De l’aidance choisie à l’aidance subit, ou… lorsque j’ai frôlé (d’un peu trop près) le burn-out. – Interfacia
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De l’aidance choisie à l’aidance subit, ou… lorsque j’ai frôlé (d’un peu trop près) le burn-out.

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En synthèse : 30 secondes

1 mois d'aidance, 1 an de conséquences !

Sur la base de mon histoire personnelle, j'introduis ici : 

  • le « radar des changements »

  • les solutions communes de repos pour vos salariés aidants, 

  • le dialogue équilibré du RH et du manager avec les salariés aidants,

  • le besoin de s'occuper des collègues dans le cadre du management de l'aidance®

L’aidance est très souvent assimilée à un chemin long, parsemé d’embuches. Je l’ai connu pendant 10 ans, voyant ma maman faire les courses, gérer les soins …, organiser les moments de visites de chacun pour que ma grand-mère ne soit jamais seule trop longtemps. Interfacia existe sûrement grâce à elles. Mais, moi, je n’avais jamais été aidante. J’étais sensible, très sensible, mais je peux le dire aujourd’hui, je n’avais compris que partiellement…

***

Comme je le dis depuis des années, être salarié aidant, ce n’est pas être intrinsèquement fragile… mais il est nécessaire de reconnaitre qu’on peut le devenir. Et, c’est un peu mon histoire.

Je m’appelle Gabrielle, j’ai 48 ans, une vie sociale et familiale riche et épanouissante, je dirige deux modestes entreprises et je suis devenue aidante le temps d’un éclair. Une expérience qui a bouleversé ma vie. Nulle envie, ni besoin de me plaindre. Simplement, un désir de partage. Pour que celles et ceux qui n’ont pas de voix pour le moment ne se sentent pas seul(e). Et puis disons-le, pour que les managers et les dirigeants d’entreprise qui n’ont pas été confrontés à la chose puissent peut-être encore mieux comprendre.

***

Certains d’entre vous travaillent régulièrement avec moi, me connaissent, parfois très bien, et découvriront pourtant pour la première fois mon expérience face à l’aidance. Ce n’est pas que je ne voulais pas partager mon histoire avec vous, c’est simplement que, par moment, la vie est douloureuse. D’autres, parmi mes partenaires, mes clients l’ont découvert, il y a quelques mois, quand plus rien n’allait…

A chacun, je vous dis merci. Merci d’avoir compris que je ne voulais pas expliquer plus que le minimum, que j’avais besoin de compréhension, parfois de temps, ou d’un simple sourire.

Merci aux autres, qui ne savaient pas, d’avoir continué à me faire confiance, malgré des silences inhabituels et des délais inexpliqués.

***

Cette introduction faite, voici le fruit de mon expérience face à l’aidante. Une aidance fulgurante, aux conséquences durables.

Mon expérience est courte et intense. Elle n’a duré qu’un mois ! Et pourtant, elle a bouleversé près d’un an de ma vie. Et, c’est cela qui me semble le plus important à partager avec vous.

Bien qu’étant plutôt très libre de mon temps et de mes dossiers, en bonne santé, faisant régulièrement du sport, avec des temps de transport pratiquement inexistant, l’aidance m’a « essorée » en 1 mois.

Mon aidance ?

Pendant quelques temps, j'ai proposé mon aide, avec mon temps, mon énergie, mes compétences, mon envie, et puis du jour au lendemain (en une nuit), la dimension volontaire est devenue une question de survit. Mes compétences et mes savoirs ont connus leurs limites. Il a fallu mobiliser les forces et solutions nécessaires au maintien en vie de l'autre. Il a fallut mobiliser chaque rouage administratifs, publics, familiales, médical, malgré des refus incompréhensibles, malgré leurs réserves, malgré mon lien de parenté direct, mais sans lien de responsabilité (je rage !).

Il m’a fallu convaincre, demander de l’aide, supplier, être humiliée parfois … Mais quand on aime…

Finalement, après des moments de peur, d’inquiétude, de colère, de solitude face aux désabusés du système … les choses se sont organisées, sont allées un peu mieux, puis vraiment mieux et l’aidance a « changé de mains » … des mains que l’administration juge plus légitimes (même si elles sont moins compétentes, et je ne compare pas ici l'amour)… 

Les conséquences ?

Mon premier arrêt maladie pour épuisement en 25 ans d’activité.

Deux semaines d’arrêt. Deux semaines où j’ai dormi, presque non-stop.

Elles ont été suivies de deux mois sans pouvoir travailler plus de deux heures par jour ; puis de six mois où il m’a fallu noter chaque chose à faire, pour ne pas oublier (même si parfois, le temps de prendre un stylo était trop long… je ne savais plus ce que je devais noter…). Finalement, ce sont douze mois qui auront été nécessaires pour être à nouveau moi…

Et tout cela sans avoir à gérer les demandes (même légitimes) d’un manager ou de collègues.

D'ailleurs, que peut faire le manager pendant une telle période ?

Les solutions ?

Alors, chers dirigeants d’entreprises, chers managers, chers collègues d’une personne aidante, je vous invite à l’écoute, peut-être même à l’empathie.

LE « RADAR DES CHANGEMENTS ».

Il s’agit d’aiguiser votre capacité à identifier les changements d’humeur, d’attitudes, de capacité de concentration, de respect des délais, de … Bref, autant de signes qui vous font dire que votre salarié, votre subordonné, votre collègue est bien différent « d’avant ». Vous ne savez pas forcément « avant quoi », mais il y avait « un avant ».

Votre radar des changements activé, il nous faut maintenant imaginer l’après… concrètement les solutions à apporter. Elles sont nombreuses, parfois simples, parfois complexes, parfois presque impossibles et pourtant nécessaires. Il en va de la survie professionnelle, personnelle de la personne (burn-out ou fin de vie), il en va de notre responsabilité en tant qu’employeur (engagements RSE et obligation de moyens en matière de RPS).

1) BESOIN D’UN REPOS URGENT POUR VOTRE SALARIÉ AIDANT ?

L’arrêt maladie sans perte de salaire. La culture de l’arrêt maladie est inégalement partagée, il faut donc parfois aider à ce qu’il soit pris. Certaines entreprises, à travers la mutuelle, permettent qu’il n’y ait aucune perte de salaire pendant un tel arrêt. Pour préserver l’égalité de traitement, il faut que tous les salariés puissent bénéficier des mêmes avantages, dans les mêmes circonstances. Le recours à une couverture spécifique dans le cadre de vos négociations de couverture de santé peut être un véritable plus pour vos salariés.

Le don de jour de congé. Attention, seulement dans certaines conditions https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32112. Pour un enfant malade (C. trav., art. L1225-65-1) ou un proche aidant (C. trav., art. L3142-25-1, L3142-25-1, L3142-16) dans une situation de maladie, handicap ou de grave accident. Notez qu’il n’est pas nécessaire que l’entreprise dispose d’un accord préalable pour le mettre en œuvre.

Le recours à vos droits AGIRC-ARRCO : On y pense trop peu, mais en situation d’urgence, vous pouvez demander l’aide de votre caisse de retraite complémentaire. Elle apporte ponctuellement des aides financières pour différents besoins, tels que le financement de solutions de répit, de soutien psychologique … La plupart de ces solutions sont prises en charge dans le cadre de l’action sociale de l’ACIRC-ARRCO. https://www.agirc-arrco.fr/wp-content/uploads/2021/10/A4_depliant_action_sociale_Agirc-Arrco-1.pdf

2) AIDER VOS RH, VOS MANAGERS A INSTAURER LE DIALOGUE AVEC VOTRE SALARIÉ AIDANT ?

Bien qu’il soit nécessaire, celui-ci n’est jamais facile à imaginer, à mettre en place.

Les RH et les managers nous disent souvent avoir des difficultés à aborder un sujet aussi personnel que celui de l’aidance. L’appréhension de parler de la vie privée de leur collaborateur est omniprésente.

Ceci dit et admit, je vous invite modestement à relire mon témoignage. Vous voyez ? Je vous ai parlé de ma situation de travail face à l’aidance, mais je ne vous ai rien dévoilé d’intime sur la santé de mon proche ou le lien de parenté qui me lie à cette personne. Vous y avez découvert mes difficultés professionnelles, mes frustrations, mon état de fatigue, mes freins professionnels, mais le reste peut ne pas être partagé. Et cela, en tant qu’employeur, vous êtes en droit d’en parler pour prendre soin de la situation.

Mon témoignage est en soi une manière d'illustrer que nous pouvons parler de l’aidance sur le lieu de travail, sans obligatoirement entrer dans l’intimité de la personne.

3) ET LES COLLÈGUES DANS TOUT ÇA ?

En effet, et les collègues dans tout ça ? La question est importante.

Travailler avec un salarié aidant, c’est parfois sans conséquences, d’autres fois, cela apporte un climat social de meilleure qualité, mais c’est aussi devoir relever des défis.

Dans la situation qui me concernait, mes collègues auraient dû développer des capacités d’adaptation à toute épreuve. En équipe, cette adaptation repose souvent sur les managers qui doivent réorganiser le travail, créer un nouvel équilibre.

Retenez que ce nouvel équilibre doit être annoncé comme ponctuel ou potentiellement plus durable. Il est nécessaire de donner de la lisibilité à l’équipe. L’inconnu ne rassure jamais. Chacun doit pouvoir se situer dans cette nouvelle impulsion.

Et puis, on oublie parfois que créer ce nouvel équilibre, c’est transférer des dossiers. Dossiers qui nécessitent quelques fois de nouvelles compétences. Alors pour éviter de mettre vos collaborateurs en échec, anticiper chaque fois que possible cette nécessité.

Dans de telles circonstances, le microlearning apporte le juste équilibre entre le besoin urgent de réaliser une tâche et le socle minimum de connaissances / compétences à acquérir pour la réaliser. Car un collaborateur formé atteint plus facilement ses objectifs.

En espérant que mon partage d'expérience vous a aidé à un peu mieux comprendre l'aidance au travail.

A bientôt pour un nouvel article en faveur d'un meilleur Management de l’aidance®.

Gabrielle Guèye, Fondatrice et Directrice Générale d’Interfacia® et du Baromètre Aider et Travailler®.


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